L’ordre d’évacuation
Le 1er septembre 1939, le premier vendredi du mois, les cloches sonnèrent dans l’après-midi la mobilisation générale. Peu après, un tocsin ininterrompu de la grande cloche annonçait l’évacuation. Le curé, revêtu d’une chasuble et de l’étole, se rendit à l’autel, pour consommer les saintes Espèces. Ensuite, il emballa les vases sacrés du culte (calices et ostensoir), ainsi que les archives de la paroisse. Il fit porter les caisses à la mairie, pour qu’elles soient évacuées avec les affaires de la commune.
1er septembre 1939 Le départ pour l’exode
A la tombée de la nuit, toute la commune se mit en route, en n’amenant que le strict nécessaire, le poids des bagages étant limité à 30 kg. par personne. L’itinéraire suivi, passait par Francaltroff, Virming et Conthil, pour atteindre le centre de recueil de Hampont. Le convoi, compose essentiellement de voitures agricoles attelées de vaches, s’était arrêté une première fois à Lening, et une seconde fois à Rodalbe, pour y passer la nuit. A chaque étape du trajet d’environ 42 km, les réfugiés étaient hébergés dans les granges des fermes, où ils n’étaient pas accueillis àbras ouverts. Les enfants en bas âge devaient partager, sur la paille, le lot de leur mère. Le mardi 5 septembre, l’embarquement des réfugiés de Holving, avec ceux d’Ernestviller et de Riçheling, eut lieu à Hampont, dans un tram de marchandises.
7 septembre 1939 : L’arrivée en Charente.
Le jeudi 7 septembre, le convoi arriva en gare de Montmoreau. Dans un premier temps, l’ensemble de la paroisse (environ 650 personnes), fut hébergé à Sainl-Amant-de-Montmoreau. Plus tard, vers le premier octobre, environ 400 personnes trouvèrent de meilleures conditions d’hébergement à Montmoreau, chef-lieu du canton.
Dans le numéro du mois de février 1940 du journal «Le Lien », fondé par l’abbé François
Goldschmitt pour servir de trait d’union entre les évacués, a paru une courte chronique de l’abbé
Bousser, sur la vie de la population de Holvmg durant l’évacuation.
Elle contient un tableau sur la répartition de l’ensemble de la population de Holving:
Montmoreau 358 personnes Moselle 46 personnes
Saint-Amant 228 personnes Autres départements 20 personnes
Autres localités de la Charente 27 personnes Mobilisés 88 personnes
Pas-de-Calais 47 personnes Etudiants 9 personnes
Le 1er décembre, les familles de mineurs, soit 47 personnes, nous avaient quittés pour les mines du Pas-de-Calais, à Dourges, près de Noyelle-Godault, (région de Béthune).
La vie scolaire.
Les classes commencèrent le 15 octobre, avec:
- une école mixte à Saint-Amant 27 enfants (Soeur Anne Françoise)
- une école de garçons, à Montmoreau 30 enfants (Soeur Marie Ambroise)
- une école de filles, à Montmoreau 23 enfants (Soeur Charles Victor)
- une école maternelle, à Montmoreau 22 enfants (Soeur Irmine)
Les religieuses enseignantes appartenaient à la Congrégation de la Providence de Peltre.
La vie religieuse.
Les quatre premiers mois, le curé de Holving était hébergé à Saint-Amant. A partir du 1er janvier 1940, il prit un logement à Montmoreau, afin de résider au centre de son activité pastorale. La vie paroissiale continua tant bien que mal. L’abbé Bousser rencontra beaucoup de difficultés avec le doyen de l’église cantonale de Montmoreau, en vue d’organiser des offices particuliers pour les réfugiés à Montmoreau, où se trouvaient la plupart de ses paroissiens. L’évêque de Metz, Mgr Schmitt, ainsi que l’évêque d’Angoulême, étaient vainement intervenus.
Un arrangement finira par être trouvé, et à partir du 1 i février 1940, un horaire spécial sera proposé aux paroissiens réfugiés à Montmoreau: messe basse à 8 h, grand-messe à 12 h et vêpres à 15 h. Une grand-messe sera aussi célébrée à 10 h, alternativement à Saint-Amant pour les paroissiens de Holving, et à Saint-Eutrope pour ceux de Richeling.
Au cours de la Semaine Sainte, eut lieu un pèlerinage à Lourdes, auquel participèrent 80 paroissiens de Holvmg et 30 paroissiens de Richeling. La communion solennelle fut fêtée dans l’église de Montmoreau, le 9 juin 1940. Ce fut une belle fête durant l’exode : malheureusement au plus fort de la guerre.
Les paroissiens décédés durant l’évacuation
Pendant l’hiver 1939/40, beaucoup de paroissiens nous avaient quittés pour un monde meilleur.
Parmi eux, le trésorier de la fabrique de l’église, Joseph Baumann.
L’abbé Bousser nous a laissé la longue liste des paroissiens qui n’ont pas survécu à l’exil:
24.09.1939 : Jean Gabriel, de Hinsing, 76 ans, + à Saint-Amant;
17.10.1939 : Christine Weber-Hinschberger, de Ballering, 81 ans, + à Sécourt (Moselle);
16.11.1939 : Joseph Baumann, de Holving, 66 ans, + à Montmoreau;
01.11.1939 : Victorine Karst, de Bettring, 63 ans, + à Ribeauvillé (Haut-Rhin);
09.11.1939 : Jean Gangloff, de Diederfing, 51 ans, + à Bordeaux (Gironde);
03.10.1939 : Madeleine Haringer-Becker, de Diederfing, 74 ans, + à Confolens;
20.12.1939: Catherine Hinschberger-Dolisy, de Hinsing, 81 ans, + à Saint-Amant;
21.12.1939 : Jean-Pierre Schmitt, de Hirbach, 70 ans, + à Girac;
30.12.1939 : Marie Helvig-Schmitt, de Bettring, 79 ans, + à Saint-Amant;
3 1.12.1939 : Victor Muller, de Bettring, 76 ans, + à Saint-Amant;
22.01.1940 : Eugène Dreidemy, de Hirbach, 57 ans, + à Montmoreau;
16.03.1940: Emma Muller-Klein, de Hirbach, 24 ans, + Bissert (Bas-Rhin);
17.03.1940 : Louis Huvig, de Diederfmg, 21 ans, + à Montmoreau;
20.03.1940 : Gaston Hinschberger, de Diederfing, 7 mois, + à Montmoreau;
02.04.1940 : Gaspard Schmitt, de Hinsing, 82 ans, + à Montmoreau;
02.04.1940 Aune Nisy-Bouhl, de Diederfmg, 86 ans, + à Montmoreau;
06.06.1940 Catherine Holtz-Guiot, de Diederfmg, 58 ans, + à Champagne-Mouton;
12.06.1940 : Auguste Hinschberger, de Bettring, + à Sézanne, «mort pour la France»;
01.09.1940 Marguerite Flauder-Dolisy, de Hirbach, 40 ans, + à Château-Salins (Mos.);
16.09.1940 : Marie Catherine Dolisy, de Holving, 65 ans, + à Girac.
23 juin 1940 : La fin de la guerre
L’armistice fut signé le 23 juin 1940, et dès le 25 juin, les troupes allemandes traversaient Montmoreau, en direction des Pyrénées. La Charente fut en grande partie occupée, aussi les réfugiés n’avaient-ils plus qu’un seul désir: celui de rentrer chez eux. Cependant, ils seront contraints de patienter trois mois encore, à cause des difficultés de transport dues à la destruction de très nombreux ponts, outre l’interdiction d’accès au périmètre de la Ligne Maginot, avant le déminage du champ de bataille.
26 septembre 1940 : Le départ de Montmoreau
Toutefois, ils se sentaient peu à peu consolés, quand leur parvenaient des signes de vie de leurs soldats mobilisés. Beaucoup avaient été faits prisonniers, mais se verront libérés, en tant qu’Alsaciens-Lorrains. C’est le 26 septembre, que les réfugiés purent enfin quitter la Charente, et retourner dans leurs foyers.
4 octobre 1940: Le retour à Holving
C’est le 4 octobre, après treize mois d’exode, qu’enfin ils étaient de retour à Holving. C’était aussi un premier vendredi ! Mais un spectacle horrible les attendait chez eux : la guerre était passée par là et avait tout dévasté ~. L’église avait perdu la flèche du clocher; un obus avait pénétré derrière l’orgue; tous les vitraux étaient endommagés, à l’exception de celui de l’Immaculée Conception, patronne de l’église, situé derrière le grand autel.
N.D.L.R.
Que ces pages sur l’évacuation de Holving, basées sur les documents que nous avait confiés, en 1996, Charles Baumann, disparu en 1998, soit aussi un hommage à un homme profondément attaché à la terre lorraine, qui accomplit un immense travail d’historien au service des valeurs culturelles du pays de ses ancêtres. (Louis Serpe)
Revue: Le Pays d’Albe n°34-2004